Sunday, November 19, 2006

Exposition : Afghanistan, les trésors retrouvés

Le musée des Arts asiatiques présente un trésor afghan : 220 pièces qui sortent pour la première fois du pays, dont ils racontent l'histoire mouvementée.

Des statues et reliefs des débuts de notre ère, des figures grecques et animaux chimériques, les ivoires indiens les plus anciens connus, un mobile romain, seul exemple de bronze antique peint. De l'or, tant d'or... L'exposition du musée Guimet se balade de trésors en trésors, sortis pour la première fois d'Afghanistan. Ils racontent un pan ancien de l'histoire du pays. Dans le sillage des conquêtes d'Alexandre le Grand, vers 330 av J-C, la région de Bactriane devint le lieu de rencontres des mondes grec et indien, jusqu'à l'arrivée des tribus nomades venues du nord et de l'est qui fondèrent leurs propres empires. Un des trésors, retrouvé à Tillia Tepe, au nord de l'Afghanistan, n'a jamais été montré au public. Et pour cause : il a surgi en plein bouleversement, échappant par miracle au chaos.

Squelette féminin. En 1978, un an avant que les Soviétiques n'envahissent l'Afghanistan, Viktor Sarianidi, archéologue soviétique né en Ouzbékistan, découvre par hasard un squelette féminin couvert d'objets en or. Il creuse encore et trouve cinq autres tombes, des princes et des princesses nomades, un homme et cinq femmes ayant vécu au Ier siècle de notre ère. Colliers de grenats du Radjastan, turquoises d'Iran, médaillon à l'effigie de la déesse Athéna : leurs parures reflètent les influences grecques, indiennes et kouchanes. «En fait, on ne sait pas grand-chose de ces princes, reconnaît Jean-François Jarrige, directeur du musée et commissaire de l'exposition. Les Grecs ont été peu à peu chassés ou englobés dans l'empire kouchan.» Les Kouchans, tribus venues du nord de la Chine, régnèrent du Ier au IIIe siècle sur le nord de l'Inde, le Pakistan et l'Afghanistan.
Chaque objet est inventorié et placé dans des caisses. Au total, le site de Tillia Tepe livre 21 618 pièces, dont 20 478 en or. Le trésor est conduit dans les caves du musée de Kaboul. Pendant dix ans, les Soviétiques occupent le pays. A leur départ, la guerre civile s'installe.
Lorsque les moudjahidin entrent dans Kaboul en 1992, le musée est victime des bombardements, puis pillé et dévasté. Mais l'essentiel des collections, dont ce trésor, avait été transféré, sans doute sur décision du président Najibullah, dans les caves de l'ancien palais royal de l'Arg, aujourd'hui occupé par la banque centrale. L'endroit est fermé par sept clés, détenues par sept personnes différentes, selon la tradition afghane. De 1989 à 2003, on ne voit plus le trésor, sur lequel circulent les rumeurs les plus folles. On le croit volé lui aussi, emporté en (ex-)Union soviétique, peut-être disparu à jamais. Les talibans, qui démolissent au musée des statues qui n'avaient pu être mises à l'abri, ne le découvriront pas. Ce n'est qu'en 2003 que le président Karzaï annonce qu'il est en sécurité.

Coffres. En juin 2004, a lieu une ouverture solennelle des coffres. Moyennant quelques financements, la National Geographic Society a obtenu l'exclusivité des droits. C'est donc un archéologue américain qui est chargé de l'inventaire. La France n'est pas associée à l'événement ; pourtant, elle est le seul pays à disposer d'une antenne archéologique permanente dans le pays, la Délégation archéologique française en Afghanistan (Dafa).
La Dafa avait été créée en 1922. Le roi, qui se méfiait des Anglais, ayant fait appel aux archéologues français pour mettre en valeur le patrimoine afghan. Le traité décide que les découvertes réalisées par les missions de fouilles françaises seront partagées entre le musée de Kaboul, qui verra le jour quelques années plus tard, et Paris, où elles forment aujourd'hui le fonds afghan de Guimet, une collection unique au monde. Avec cette exposition, c'est la première fois que ces découvertes sont réunies depuis leur exhumation.

Partage. Sur fond de concurrence entre Britanniques, Allemands et Français, les archéologues sont alors à la recherche de ce fabuleux royaume grec en Asie centrale, dont les traces ont été gagnées par les sables, survivant au pillage et aux destructions des conquérants musulmanes. Les fouilles commencent dans le nord, à Bactres, capitale du royaume de Bactriane. Mais les grandes découvertes se font à Begram. Pendant trente ans, les Français ont l'exclusivité des fouilles et l'accord de partage se maintient jusqu'en 1965.
La Dafa poursuit son travail jusqu'en 1982, quand le gouvernement prosoviétique en ordonne la fermeture. Aussitôt, elle met en oeuvre le sauvetage de son exceptionnelle bibliothèque. Ses responsables, avec un diplomate français et un chauffeur, déménagent en camion les 15 000 volumes à l'ambassade. Une tentative de sortie vers l'Inde échoue : la collection est saisie à l'aéroport, où elle restera en caisse, l'hiver sous la neige, jusqu'en 1991, où elle sera restituée indemne à la France.

Revanche. Depuis 2002, la Dafa a repris ses fouilles et entrepris la restauration des oeuvres du musée. Aujourd'hui, la France prend en quelque sorte sa revanche sur les Américains. Cela n'a pas été sans mal : le 16 mai dernier, le parlement afghan se prononçait contre le transfert des trésors, pour des questions d'assurance et par crainte que des objets ne soient copiés. Mais il changeait d'avis le 9 août : les années de coopération et les travaux de restauration des oeuvres, effectués par les Français, ont payé...
Les dernières caisses en provenance de Kaboul ne sont arrivées à Paris que le 16 octobre. Il en coûte plus d'un million d'euros au musée Guimet. Une partie du prix du billet d'entrée va au musée de Kaboul, en cours de reconstruction. Le trésor doit ensuite prendre la route d'autres capitales européennes. Le pouvoir afghan n'est pas forcément pressé de le récupérer. A Kaboul, l'or est condamné aux coffres forts, ne pouvant être exposé pour des raisons de sécurité.

Par Sylvie BRIET, Vincent NOCE
mercredi 6 décembre 2006

Sources : Libération

http://www.liberation.fr/culture/221413.FR.php

Quelques pièces importantes en diaporama :

http://www.lemonde.fr/web/portfolio/0,12-0@2-3246,31-842392@51-842680,0.html

1 comment:

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