Mahsa et Marjan Vahdat : chant
Eslami Mirabadi Amirhossein : ney
Date :
Dimanche 27 mai 2007 à 15h
Lieu :
Cité de la Musique
221 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Métro : Porte de Pantin
Réservation et renseignements : 01 44 84 44 84
(tous les jours de 11h à 19h, le dimanche jusqu'à 18h)
Achat de billets en ligne :
http://www.cite-musique.fr/francais/spectacles/_database/S04036.htm
Là, dans la nuit, quelque chose se passe
La lune est rouge et angoissée.
Et accrochés à ce toit
Qui risque de s’effondrer à tout moment,
Les nuages, comme une foule de pleureuses
Attendent l’accouchement de la pluie…
Forugh Farrokhzad (1935-1967) dans le film Le Vent Nous Emportera d’Abbas Kiarostami
Les soeurs Mahsa et Marjan Vahdat sont le reflet d’une évolution du chant classique persan. À l’image d’une nouvelle génération de musiciennes de plus en plus nombreuses, éduquées et totalement dévouées à la cause artistique, elles expriment la continuité d’une tradition confrontée aux problèmes d’identité de la société iranienne actuelle. Les voix s’entrecroisant dans un véritable labyrinthe modal portent, gracieuses et fières, la poésie persane vers de nouveaux horizons. Le nay (textuellement « roseau »), soit la longue flûte classique habitée par le souffle mystique des derviches et soufis, reflètera le vent de l’esprit porté par l’imagination musicale du jeune artiste Amir Hossein Eslami. Dans sa capacité à se régénérer constamment, la musique persane est un phénomène unique en Orient. Davantage que la fidélité à une pure transmission historique, elle a privilégié une authenticité de l’émotion, fruit de son héritage mystique : au-delà de toute volonté de création et de recherche d’une notion de beauté esthétique, l’artiste s’attachait autrefois à la recherche du vrai et du « révélé ». Il savait s’écarter de toute tentation narcissique, être seulement le transmetteur d’une révélation et s’effacer derrière l’oeuvre pour nous faire basculer dans cette profondeur nostalgique du trouble et du déchirement mystique, dans cette souffrance d’une extase sans cesse effleurée. L’âme chiite a toujours préféré se noyer dans cet océan mystique de la transe et de la connaissance symbolique que se laisser porter par le fleuve calme de la légalité religieuse. Le pouvoir émotionnel de la musique ouvre une sorte de couloir, de passage entre le monde réel et le monde spirituel qui permet au hâl, ce souffle d’inspiration divine, de s’épandre dans le coeur de l’artiste ou du disciple. Si la musique traditionnelle persane est toujours vivante de nos jours, si elle a pu traverser habilement les tumultes de l’histoire contemporaine de son pays, éviter les pièges d’un académisme figé, c’est précisément parce qu’elle a su ne pas se détourner de son inspiration mystique.
À l’écoute de ces chants féminins, on pense à la magnifique poétesse du désespoir Forugh Farrokhzad (1935-1967), connue pour son célèbre poème extrait du film Le Vent nous emportera d’Abbas Kiarostami :
À l’écoute de ces chants féminins, on pense à la magnifique poétesse du désespoir Forugh Farrokhzad (1935-1967), connue pour son célèbre poème extrait du film Le Vent nous emportera d’Abbas Kiarostami :
Là, dans la nuit, quelque chose se passe
La lune est rouge et angoissée.
Et accrochés à ce toit
Qui risque de s’effondrer à tout moment,
Les nuages, comme une foule de pleureuses
Attendent l’accouchement de la pluie…
La musique iranienne véhiculée par cette nouvelle génération de jeunes artistes se situe donc au carrefour du modèle traditionnel et d’une possibilité d’interprétation personnelle constituant le musicien en tant que créateur à part entière, selon notre conception moderne de l’art. C’est cette liberté artistique soumise aux lois d’un mode musical dont le musicien tente d’extraire constamment le maximum de sentiments qui lui permet de conserver cette rigueur de l’émotion et de se détourner du sentimentalisme d’une certaine variété orientale.
Alain Weber
Source :
http://www.cite-musique.fr/francais/images/pdf/notes_programme/070526_femmes_orient.pdf
Concert : Qawwalis - Dimanche 27 mai à 18 h Abida Parveen (Pakistan) à la Cité de la Musique
Date :
Dimanche 27 mai 2007 à 18h
Lieu :
Cité de la Musique
221 avenue Jean Jaurès
75019 Paris
Métro : Porte de Pantin
Réservation et renseignements : 01 44 84 44 84
(tous les jours de 11h à 19h, le dimanche jusqu'à 18h)
Achat de billets en ligne :
http://www.cite-musique.fr/francais/spectacles/_database/S04037.htm
Abida Parveen : chant
Nazir Khan : tabla
Karam Hussain : dholak
Manzoor Hussain : harmonium
Himat Ali : duff
Lave mon châle souillé,
Tu as déjà lavé des centaines de châles pour les autres,
Le vêtement du corps, avec le savon de ton âme
Lave les taches de nos coeurs
J’ai peu de savon et beaucoup d’eau sale,
Laisse-moi tremper là.
Ton coeur est un fleuve, et dans l’eau qui court
Frotte bien pour enlever les taches.
Le monde se rit de mon chagrin mais
moi je pleure sur le chagrin du monde.
(Poésie dédiée au saint Baba Farid Ganje-Shakar, 1265)
Abida Parveen a su imposer sa personnalité de femme dans un domaine plutôt représenté par des hommes, notamment les ensembles de qawwals, ces musiciens qui, traditionnellement, chantent dans les dargah, sanctuaires des « grands ancêtres », fondateurs de lignées soufies aux alentours du XVe siècle, qui ont depuis été élevés au rang d’êtres quasi-divins. Abida Parveen est elle-même issue d’une de ces lignées et c’est son père, Ghulam Haider, chanteur célèbre et directeur d’une école de musique qui, détectant le talent précoce de sa fille, l’a initiée au chant et encouragée à persévérer dans cette voie. Devenue effigie d’un chant religieux écouté par tous les musulmans du continent indien, elle est aussi populaire, dans cette partie du monde, que le regretté Nusrat Fateh Ali Khan. Le monde masculin sait reconnaître le pouvoir émotionnel d’une voix féminine inspirée par le divin. Le chant qawwali, expression soufie du continent indo-pakistanais, vit grâce aux qawwâls qui sont tous issus de l’ordre des chishti. Cet ordre remonte au XIIe siècle et assure la transmission du chant de maître (pîr) à disciple (murîd). « Amour qui s’enracine, s’enlace et se nourrit de l’être Aimé pour croître», telle est la définition du terme mystique ishq qui nous renvoie une fois de plus à ce paroxysme de l’émotion, ce déchirement entre l’absence du bien-aimé symbolisant Dieu et cette plénitude extatique où l’on entrevoit la fusion avec l’être supérieur et protecteur. Au-delà des effets vocaux très sophistiqués et émotionnels, le chanteur doit toujours se consacrer au don du mot et de la parole pour provoquer l’état de grâce, amad. Le kalam (le Verbe) du poète soufi est harangué, chanté, déclamé par la voix d’Abida Parveen, une voix qui au-delà de sa sensibilité possède aussi une puissance masculine.
« Le chanteur qawwâl ne chante pas pour lui-même ; il met en relation celui qui l’écoute avec l’invisible, l’immatériel, et le dirige vers une perception de l’aspect impalpable du monde. On vient s’asseoir au mehfil (réunion) pour écouter avec son âme. » (Claire Devos, Qawwali, Éditions du Makar).
« Le chanteur qawwâl ne chante pas pour lui-même ; il met en relation celui qui l’écoute avec l’invisible, l’immatériel, et le dirige vers une perception de l’aspect impalpable du monde. On vient s’asseoir au mehfil (réunion) pour écouter avec son âme. » (Claire Devos, Qawwali, Éditions du Makar).
Alain Weber
Source :
http://www.cite-musique.fr/francais/images/pdf/notes_programme/070526_femmes_orient.pdf
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