[Voici quelques conversations à distance avec Azad Monany à propos de mon texte "A quoi ça sert...de célebrer Eid ?" que je voudrais partager avec mes lecteurs/lectrices. Je vous laisse découvrir également son texte intitulé "Bapuji" qui est tout simplement magnifique ! - Mounir]
Bonjour Azad,
Merci beaucoup pour vos compliments qui me sont allés droit au coeur !
Vous avez tout à fait raison de souligner que cela est valable dans toutes les communautés.
En, écrivant et en ré-écrivant ce texte, je n'ai pas voulu me lancer dans des considérations générales ou universelles. Je pense qu'il faut d'abord balayer devant sa porte avant d'aller critiquer ou faire des remarques sur ce qui se passe chez les autres même s'il se passe souvent ou presque la même chose ailleurs...
C'était aussi un des principaux messages de Gandhi, notamment lorsqu'il s'insurgeait contre l'intouchabilité en Inde. En effet, les Indiens "bien comme il faut" s'époumonaient à crier et à réclamer à hue et à dia la liberté et l'indépendance auprès des Anglais alors que près d'un cinquième des Indiens vivaient (et vivent toujours de nos jours) sous une forme ou une autre d'ostracisme économique, social, culturel, spirituel et sous des formes diverses d'esclavage ou de semi-esclavage et tout cela par le seul fait d'autres Indiens !
Etrange paradoxe, n'est-ce pas ? Gandhi avait fini par le remarquer et c'est pourquoi il a consacré une très grande partie de son temps partir des années 1930 à oeuvrer pour l'amélioration du sort des Intouchables. Il répétait souvent que l'on ne peut pas réclamer la liberté lorsque l'on maintient soi-même des dizaines de millions de gens en esclavage ou en semi-esclavage ! Malheureusement, sur ce point, l'Inde d'aujourd'hui n'a guère changé malgré quelques toutes petites avancées.
On pourrait dire et faire presque les mêmes remarques sur le statut des femmes indiennes aujourd'hui, que ce soit en Inde même ou dans la diaspora à l'étranger. Il n'y a qu'à regarder ce qui se passe chez nous en France, à Madagascar, à Londres, à Toronto, à New York etc., pour constater que le sort des filles et des femmes est très loin d'être flatteur ni réjouissant, et pourtant nous vivons très loin du monde indien et de certains ses archaïsmes les plus brutaux. C'est ce que j'ai voulu en partie évoquer dans mon texte "A quoi ça sert...de célebrer Eid ?"
Mille mercis encore et chapeau bas !
Bien à vous,
Mounir
(mounirnassor@yahoo.co.in / www.myindias.blogspot.com)
Message d'Azad Monany (22 octobre 2006) :
Que répondre à tant de vérité? Rien... sinon un bravo qui vient du fond de mon coeur et une admiration pour l'esprit qui l'a conçu si clairement et qui l'exprime si nettemen!
Peut-être un jour pourras tu comprendre que c'est aussi valable pour Divali, Noël, Rosh Hassanna, Yom Kippour et autres toutes aussi diverses qu'il y a de religions dans ce monde?
En tous cas, ceci me fait penser à une image: 15 août 1947, l'Inde s'éveille, le Pakistan fait la fête, tout le monde danse dans les rues... tout le monde sauf un petit homme tous seul, dans son Ashram, qui pleure sur cet immense gâchis... La suite, la voici
BÂPUJI
Pour toi Tagore* a créé le nom le plus beau.
Par toi ton pays a retrouvé sa fierté.
Tu voulais qu’on ne vende plus la vérité.
Dans le cœur de l’Inde tu voulais ton flambeau...
Tu as donné ta vie et chacun de tes jours
À ton frère l’homme que tu as tant aimé.
Tu as rêvé un monde sans peur, sans armées,
Où la haine aurait pour seul remède l’amour.
Mais qu’ont-ils fait de ta sagesse, de ton nom ?
Sang, feu, fer et bombes sont leurs titres de gloire.
Ils ne veulent plus entendre, ni même voir
Que ton âme souffre de leur vil abandon.
« Pardonne-leur, ils ne savent pas ! », avait dit
Avant toi cet autre qui a donné sa vie...
Si au moins leur haine s’en était assouvie !
Mais, hélas ! notre monde est la proie des bandits.
Ils envoient des enfants au paradis d’Allah
Pour la soi-disant plus grande gloire de Dieu,
De Dieu le Tout-Puissant, le Miséricordieux !
Hitler se sentirait bien sous leur djellabah !
Toi, fou de Dieu aimant toute l’Humanité,
Tu rêvais qu’Ahimsâ* serait enfin la voie,
Mais ils t’ont éteint, ne supportant pas ta voix,
Et sur tes cendres ils ont souillé la vérité.
Tu disais qu’il n’y a pas de voie vers la paix,
Mais que la paix est la seule, l’unique voie...
Mais ils sont trop intelligents pour que ta loi
Effleure leur esprit et brise leur épée.
Et pourtant tu aimerais encor ta patrie,
Même si elle oublie cette Satyâgraha,
Qui est le droit chemin que suivirent tes pas,
Et ce que te doit l’Humanité, ta fratrie.
Le plus humble parmi les plus déshérités,
Tu avais cependant une telle lumière
Que de Bhârat* son Mahâtmâ* devint le père
Et que le ciel même t’envie ta pureté...
Azad Monany – 30 mars 1983
azadmonany@hotmail.com
*Tagore : un des plus importants poètes indiens de langue bengali, il a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1913.
*Ahimsâ : peut se définir comme étant la non-violence
*Bhârat : autre nom de l'Inde
*Mahâtmâ : surnom de Gandhi, veut dire "la grande âme"
[notes ajoutées par Mounir Nassor]
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