Tuesday, June 26, 2007

Les nécrophages

Ma présence à une représentation exceptionnelle d'une pièce de théâtre en gujarati à Paris le 14 juin 2007 a inspiré ce texte. Non sans un cynisme révoltant, un grand nombre de responsables, d'élites et gens « bien éduqués et bien comme il faut » de nos communautés gujarati étaient présents à cette représentation en gujarati. Malheureusement, ce sont ces mêmes responsables et élites dirigeantes de nos communautés qui participent activement et/ou passivement (par leur indifférence, leur désinvolture, leur insouciance, etc.) à la mort lente de nos cultures indiennes et notamment de nos langues gujarati et kucchi.

En effet, dans nos centres et institutions communautaires, tout est fait directement et/ou indirectement pour que notre très riche héritage culturel ne soit pas promu et soit, au contraire, étouffé au profit d'un savoir et d'une culture uniquement religieuse et qui prend le plus souvent une forme très intolérante, très brutale et très manichéenne.

J'avais déjà exposé mon désarroi immense à ce sujet dans d'autres textes précédents, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir le coeur bien serré lors de cette représentation et ma rage n'en a été que plus immense vis-à-vis de tous ces gens bien comme il faut, bien éduqués et qui pourtant sont en train de démolir, non à coup de canons, mais plus insidieusement et plus sournoisement, par leur inaction, leur indifférence et surtout par leur complaisance et leur accommodement avec une religiosité souvent intolérante et aux formes très souvent nauséeuses et putrides.

Ce qui est plus triste encore, c'est que parmi ces élites dirigeantes de nos communautés, ce ne sont pas que quelques bigots bien hypocrites qui sont à l'origine de ce massacre en règle de nos traditions et de nos cultures indiennes, il y a aussi des gens qui ont vécu et qui ont été éduqués dans le monde « occidental », souvent il s'agit de jeunes gens, qu'ils aient étudié ou soient étudiants dans de grandes écoles ou qu'ils soient membres de professions (libérales souvent) ouvertes sur le monde et la modernité.

Ce qui est plus déroutant encore, c'est la complicité et la complaisance actives et/ou passives de ces derniers avec les bigots et autres Tartuffes les plus obscurs et les plus hypocrites de nos communautés.

Dans dix ans ou un peu plus, nous ne pourrons plus nous définir que comme des « ex- Indiens », des « ex-Gujarati » ou des « anciens Indiens » ou des « anciens Gujarati ». Bien tristement, pour une bonne partie d'entre nous, on appliquer cette définition dès à présent.

(Mounir)


Les nécrophages

Ils (et elles) étaient tous là, ces charognards et ces nécrophages
Ces mangeurs de viande morte ou agonisante
Ils étaient tous venus contempler
Ce cadavre jadis si savoureux et si joyeux
Fait de claquantes sonorités, de rimes savoureuses
Et de proverbes tout aussi délicieux

Ils étaient tous là ou presque
Qui tournoyaient autour de ma langue gujarati mourante
Ces élites, ces dirigeants et ces jeunes gens bien comme il faut
Et bien éduqués
De nos communautés indiennes gujarati et kucchi

Ils (et elles) ont aujourd'hui tous les pouvoirs pour
D'un claquement de doigt ou presque
Faire renaître nos langues et cultures ancestrales
Qui me sont si chères

C'est avec trois fois rien que l'on peut faire renaître
Toute une culture millénaire et qui se trouve aujourd'hui
Piétinée et dépecée par ces charognards maudits

C'est le coeur bien serré qu'il me faut me résigner
Qu'il n'en sera probablement rien
Et surtout qu'ils ne feront rien, ces fossoyeurs maudits

Ils riaient à gorge déployée, sautillaient sur leurs fauteuils
Et faisaient battre leurs ailes à de nombreuses reprises
Lorsqu'ils s'apercevaient combien cette langue qui leur est si familière
Elle qui les a accompagné depuis leur enfance
N'avait rien perdu de sa fraîcheur et de sa vivacité

Et pourtant, je sais très bien que ces hypocrites bien nés
Entourés des Tartuffes d'une bigoterie de si bas étage
Ne feront rien pour faire renaître de ses cendres
Cette langue qui s'en va à petit feu
Et qui est déjà comateuse

Déjà, ils sont si peu
Ceux d'entre nous qui parviennent à la parler correctement
Nos propres enfants n'en balbutient plus que quelque bribes et encore..!

Mais, eux, ces élites et ces dirigeants bien comme il faut
Et bien nés
Ils s'en moquent royalement de cette langue, de cette culture
Qui, comme leur mère, les a choyé et nourri de si tendres propos

Ces ingrats et ces fossoyeurs
Ils peuvent faire toutes les prières et les pèlerinages du monde
Mais, aucun dieu ne leur pardonnera d'avoir tué
Cette culture millénaire
Cette âme fragile qui s'en va sous leurs yeux
Et qu'ils dépècent jour après jour
Comme des charognards et des nécrophages

Comment ces gens-là
Peuvent-ils avoir autant d'audace et d'impudence
De venir ce soir-là
Contempler cette belle
Et si fragile mourante
Et ne rien faire après...

(Mounir)

Wednesday, June 13, 2007

Jeudi 14 juin à 21h : théâtre en gujarati : Sasuji, I Love You (comédie)

Cette pièce a été écrite et mise en scène par Bimal Mangalia de Mumbai.

Acteurs/Actrices : Jitu Kothak, Kalpana Shah, Vimal Upadhyay, Harsha Mehta, Pratima T.

Lieu :

Salle ADYAR
4 square Rapp
75007 Paris

Heure : 21h

Métro / RER : Ecole Militaire – Alma Marceau

Prix : 25 Euros

L'organisation de cette évènement a été rendue possible grâce à l'association NAGIN (Nouvelle Amicale Gujarati Intercommunautaire).

Saturday, June 09, 2007

Conférence par Najaf Haider lundi 11 juin à 18h

« Money and Accumulation in Indian Islam: Two Views from Fourteenth Century Delhi » by Dr Najaf HAIDER, associate professor at Jawaharlal Nehru University in Delhi.

There are two hungry wolves in our society, money and status”

[Ibn Hanbal, Musnad 1993: 456].

Historians of medieval India have devoted considerable attention to the role of money as an instrument of economic organization and change. Very little of it is, however, related to the impact of monetization on moral opinions and social attitudes. In medieval Europe, the spurt of commercialization and monetization after 1000 AD dislodged pride as the top cardinal sin and replaced it with avarice. At the same time, monetization made possible the acceptance of a profit economy even among scholastics, and, by inducing a new rationality and mental arithmetic, created further space for monetization. Whichever way the equation worked, it is difficult to deny that the presence and use of money impose new ways of thinking about the world. This paper is an attempt to argue that position in the case of medieval India by examining two sets of ideas and opinions on money and accumulation expressed by a fourteenth century Muslim intellectual, Ziyauddin Barani, and his contemporary mystic, the famous Chishti saint, Shaikh Nizamuddin Auliya. (Najaf Haider)

Date :

Lundi 11 juin 2007, de 18h à 20h

Lieu :

EPHE (SHP)
Université de La Sorbonne
17, rue de la Sorbonne
Esc. E, 1e étage, salle Delamarre
75005 Paris

Métro / RER : Luxembourg / St Michel

Cette conférence a été rendue possible grâce à Nalini Delvoye, dans le cadre de la direction d’études « Histoire et philologie de l’Inde médiévale et moghole, XIIIe-XVIIIe siècles » et de l’équipe EPHE EA 2719 « Inde médiévale et moderne : textes et contextes »

(ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES - SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES - 46 rue de Lille, 75007 Paris)


Tuesday, June 05, 2007

Exposition : Photographies de Fazal Sheikh : "Ladli" et "Moksha"

[Ayant été la voir la semaine dernière, je vous recommande vivement cette très belle et très émouvante exposition photos à Paris de Fazal Sheikh : "Ladli" et "Moksha" à la Fondation Henri Cartier Bresson (voir infos pratiques ci-dessous).

Ceux et celles d'entre vous qui ont vu le film Water de Deepa Mehta trouveront dans cette exposition des échos très émouvants sur la condition féminine en Inde de nos jours. - Mounir ]

« Ladli » succède à mon précédent livre, « Moksha », où je m’intéressais à l’existence de certaines femmes en Inde, qui, une fois veuves, se trouvent abandonnées et dans certains cas maltraitées par leur famille, de sorte qu’elles quittent leur foyer et partent, comme des centaines de milliers de veuves indiennes avant elles, pour la ville sainte de Vrindavan. Là, elles consacrent le restant de leurs jours au culte de leur dieu Krishna. Les histoires que ces femmes m’ont racontées – sur leur mariage alors qu’elles étaient encore enfants, sur les sévices infligés par leur mari, qui les quittait parfois, les mauvais traitements de la part de leur belle-famille, la disparition du respect de soi, la perte de leurs droits juridiques et économiques – tout cela m’a montré la vulnérabilité des femmes dans la société indienne traditionnelle. J’ai compris que, même aujourd’hui, alors que l’Inde rejoint rapidement le groupe des nations les plus évoluées du monde, depuis leur conception, leur sexe même transforme de nombreuses femmes en victimes potentielles d’un système patriarcal qui entérine tacitement leur exploitation, les mauvais traitements qu’elles endurent, voire leur mort. (…) Quand je lis dans la presse les louanges adressées à l’Inde pour son entrée miraculeuse sur la scène économique mondiale, je m’interroge sur l’avenir des femmes dans un pays qui avance très vite vers un avenir glorieux. (Fazal Sheikh)

Biographie :

Né à New York en 1965, diplômé de Princeton en 1987, Fazal Sheikh a toujours travaillé avec des populations déplacées - en Afrique de l’est, au Pakistan, en Afghanistan, au Brésil, à Cuba et récemment, en Inde. Son grand-père, Sheikh Fazal Ilahi, est né en 1900 dans la région du nord de l’Inde devenue le Pakistan en 1947 ; son père, Abdul Majied Sheikh au Kenya en 1941. Cette lignée familiale a conduit Fazal Sheikh à enquêter sur trois continents. Sur place, il a tenu à partager le quotidien difficile de réfugiés, pour la plupart victimes de guerres civiles, ou des communautés mises au ban de leur société.

Il a travaillé au Pakistan avec des groupes de réfugiés Afghans, au Soudan, en Ethiopie, en Somalie, puis en Inde pour ses deux derniers essais. En 1994, le New York Times l’a inclus dans la liste des 30 personnalités de moins de 30 ans les plus susceptibles de changer la culture des 30 prochaines années.

Fazal Sheikh est le lauréat de nombreuses récompenses prestigieuses. Ses travaux ont été exposés et font partie des collections des plus grandes institutions photographiques internationales. Artiste engagé, il attache autant d’importance aux photographies qu’aux récits qui les accompagnent. Son talent de photographe-écrivain lui permet de s’attacher réellement à ces femmes, non comme victimes symboliques, mais comme personnalités authentiques, nommées, qui se dévoilent dans un face à face direct et intime. En vivant pendant de longues semaines au sein des communautés qu’il étudie, en partageant leur quotidien avant de les photographier, il donne à ces images et à ces mots une profondeur liée à son engagement personnel : un sincère respect des croyances, des sentiments et de la nature humaine, une volonté farouche d’éveiller les consciences.

En 2005, il est nommé MacArthur Fellow. Il est par ailleurs le lauréat des bourses de la J. William Fulbright Foundation, du National Endowment for the Arts, du Nederlands Fotomuseum, de la Mondriaan Foundation et de la Mother Jones International Documentary Fund. Fazal Sheikh a reçu le Prix Henri Cartier-Bresson en 2005 pour son essai « Moksha ».

Il a également reçu le Grand prix du dialogue de l’humanité des Rencontres d’Arles, l’Infinity Award, la Leica Medal of Excellence, le Ruttyenberg Award, et le Ferguson Award. Des expositions de son travail ont été présentées à la Tate Modern, Londres ; à l’International Center of Photography et aux Nations Unies, New York ; à la Fondation HCB, Paris ; au Musée d’Art Contemporain, Moscou.

Ses photographies figurent dans les collections permanentes du Metropolitan Museum of Art, New York ; la George Eastman House, Rochester ; le San Francisco Museum of Modern Art. Ses travaux font partie des prestigieuses collections du Metropolitan Museum of Art, New York , San Francisco Museum of Modern Art, Californie, Philadelphia Museum of Art, Pennsylvanie, International Center of Photography, New York, Art Institute, Chicago, National Museum of Kenya, Nairobi, Fotomuseum Winterthur, Switzerland, Ruttenberg Foundation, California, The New York Public Library, New York, Museum of Fine Arts, Houston, Corcoran Gallery of Art, Washington, DC, Princeton University Art Museum, New Jersey, Santa Barbara Museum of Art, Museum of Contemporary Photography, Chicago, Volkart Foundation, Winterthur, Suisse. Il partage aujourd’hui son temps entre Zürich, New York et le Kenya.

[Toutes ces infos proviennent du dossier de presse de la Fondation Henri Cartier Bresson:

Voir aussi :

Horaires :
du mardi au dimanche de 13h00 à 18h30
le samedi de 11h00 à 18h45
nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30

fermé lundi et jours fériés

Adresse :
2, impasse Lebouis
75014 Paris
tel : 01 56 80 27 00

Métro / Bus :
Métro : Gaîté, ligne 13, sortie n°1, vers la rue de l’Ouest / Edgar Quinet, ligne 6
Bus : Ligne 28 et 58 arrêt Losserand-Maine / Ligne 88, arrêt Jean Zay – Maine

Tarifs :
plein tarif 5 euros
tarif réduit 3 euros
gratuit en nocturne le mercredi (18h30 – 20h30)

Sunday, June 03, 2007

Conferences by Usha Sanyal, visiting assistant professor at Wingate University, USA

1/ Dans le cadre du séminaire “Minorités en miroir” d'Elisabeth Aliès, Eric Germain et Aminah Mohammad-Arif, conférence suivie de questions et de discussions :

A Modern Barlewi Madrassa : The Jamia Ashrafiyya, Mubarakpur”

Lieu :

EHESS (Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
96 boulevard Raspail
75006 Paris
Salle Denys Lombard (rez-de-chaussée)

Date : lundi 04 juin 2007

Heure : 13h à 15h

2/
Dans le cadre du séminaire de Madame Catherine Clémentin-Ojha, conférence suivie de questions et de discussions :

Different Definitions of Islam in Major Sunni Muslim Reform Movements of the 19th/20th Centuries”

Lieu :

EHESS (Ecole Pratique des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
105 boulevard Raspail
75006 Paris
Salle 11

Date : vendredi 08 juin 2007

Heure : 15h à 17h

For more information on Usha Sanyal, visit her website : http://www.ushasanyal.org