En effet, dans nos centres et institutions communautaires, tout est fait directement et/ou indirectement pour que notre très riche héritage culturel ne soit pas promu et soit, au contraire, étouffé au profit d'un savoir et d'une culture uniquement religieuse et qui prend le plus souvent une forme très intolérante, très brutale et très manichéenne.
J'avais déjà exposé mon désarroi immense à ce sujet dans d'autres textes précédents, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir le coeur bien serré lors de cette représentation et ma rage n'en a été que plus immense vis-à-vis de tous ces gens bien comme il faut, bien éduqués et qui pourtant sont en train de démolir, non à coup de canons, mais plus insidieusement et plus sournoisement, par leur inaction, leur indifférence et surtout par leur complaisance et leur accommodement avec une religiosité souvent intolérante et aux formes très souvent nauséeuses et putrides.
Ce qui est plus triste encore, c'est que parmi ces élites dirigeantes de nos communautés, ce ne sont pas que quelques bigots bien hypocrites qui sont à l'origine de ce massacre en règle de nos traditions et de nos cultures indiennes, il y a aussi des gens qui ont vécu et qui ont été éduqués dans le monde « occidental », souvent il s'agit de jeunes gens, qu'ils aient étudié ou soient étudiants dans de grandes écoles ou qu'ils soient membres de professions (libérales souvent) ouvertes sur le monde et la modernité.
Ce qui est plus déroutant encore, c'est la complicité et la complaisance actives et/ou passives de ces derniers avec les bigots et autres Tartuffes les plus obscurs et les plus hypocrites de nos communautés.
Dans dix ans ou un peu plus, nous ne pourrons plus nous définir que comme des « ex- Indiens », des « ex-Gujarati » ou des « anciens Indiens » ou des « anciens Gujarati ». Bien tristement, pour une bonne partie d'entre nous, on appliquer cette définition dès à présent.
(Mounir)
Les nécrophages
Ils (et elles) étaient tous là, ces charognards et ces nécrophages
Ces mangeurs de viande morte ou agonisante
Ils étaient tous venus contempler
Ce cadavre jadis si savoureux et si joyeux
Fait de claquantes sonorités, de rimes savoureuses
Et de proverbes tout aussi délicieux
Ils étaient tous là ou presque
Qui tournoyaient autour de ma langue gujarati mourante
Ces élites, ces dirigeants et ces jeunes gens bien comme il faut
Et bien éduqués
De nos communautés indiennes gujarati et kucchi
Ils (et elles) ont aujourd'hui tous les pouvoirs pour
D'un claquement de doigt ou presque
Faire renaître nos langues et cultures ancestrales
Qui me sont si chères
C'est avec trois fois rien que l'on peut faire renaître
Toute une culture millénaire et qui se trouve aujourd'hui
Piétinée et dépecée par ces charognards maudits
C'est le coeur bien serré qu'il me faut me résigner
Qu'il n'en sera probablement rien
Et surtout qu'ils ne feront rien, ces fossoyeurs maudits
Ils riaient à gorge déployée, sautillaient sur leurs fauteuils
Et faisaient battre leurs ailes à de nombreuses reprises
Lorsqu'ils s'apercevaient combien cette langue qui leur est si familière
Elle qui les a accompagné depuis leur enfance
N'avait rien perdu de sa fraîcheur et de sa vivacité
Et pourtant, je sais très bien que ces hypocrites bien nés
Entourés des Tartuffes d'une bigoterie de si bas étage
Ne feront rien pour faire renaître de ses cendres
Cette langue qui s'en va à petit feu
Et qui est déjà comateuse
Déjà, ils sont si peu
Ceux d'entre nous qui parviennent à la parler correctement
Nos propres enfants n'en balbutient plus que quelque bribes et encore..!
Mais, eux, ces élites et ces dirigeants bien comme il faut
Et bien nés
Ils s'en moquent royalement de cette langue, de cette culture
Qui, comme leur mère, les a choyé et nourri de si tendres propos
Ces ingrats et ces fossoyeurs
Ils peuvent faire toutes les prières et les pèlerinages du monde
Mais, aucun dieu ne leur pardonnera d'avoir tué
Cette culture millénaire
Cette âme fragile qui s'en va sous leurs yeux
Et qu'ils dépècent jour après jour
Comme des charognards et des nécrophages
Comment ces gens-là
Peuvent-ils avoir autant d'audace et d'impudence
De venir ce soir-là
Contempler cette belle
Et si fragile mourante
Et ne rien faire après...
(Mounir)